Steeve, figé au milieu d’une chaussée qui se dégage peu à peu. N’est pas le seul sur qui l’annonce aux infos a cet effet inhibiteur. Nombreux sont celles et ceux, fans, détracteurs ou indifférents, qui se réveillent avec une impression de gueule de bois sans pour autant avoir, contrairement à lui, la veille, dans un sous-sol humide aménagé en studio de répétition, ingurgité la moindre goutte d’alcool. Encore moins inhalé ne serait-ce qu’un quart-de-gramme de substance illicite.
La nouvelle le paralyse. Les yeux dans le vague, agrippé au volant de sa voiture au rond-point des Affranchis, pied droit sur la pédale de frein, le gauche sur l’embrayage.
Dans son dos, l’agacement se manifeste par un concert de klaxons de plus en plus appuyés. Auquel il a cessé de prendre part.
Car depuis le milieu de la nuit Justin Ash, la star du rock, est porté disparu. Il a été vu pour la dernière fois dans la rue Lazar, à deux pas du boulevard Ginzberg, derrière le MirrorBall d’où il était sorti, seul, par l’accès réservé aux artistes. Il était, selon les premiers témoignages, un peu après 18h, hier. Il n’était pas revenu à la salle où son nouveau groupe, MyTrendyPianoBar, devait se produire sur scène à 21h00, à l’entame d’une tournée censée s’étaler sur un peu plus de quatre mois. La voix féminine aux infos, suave et feutrée, précise encore, assez connement du reste, que personne ne sait où la star du rock est passée – une enquête a été ouverte à la demande de son entourage.
Bientôt, partout dans la ville – cours de lycée, bureaux aux heures de pause, télé/journaux/radio, métro, supermarchés, dans la queue à la poste –, on ne parlera plus que de ça. De la disparition de Justin Ash. On n’aura bientôt plus que ce nom-là à la bouche, Justin Ash, comme le refrain d’un morceau qui s’ancre durablement dans le crâne et auquel on n’échappe plus.
Justin Ash a disparu.