L’Ombre des montagnes

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Marie Frering

L’Ombre des montagnes

C’est un très fort bouquin. Entre le grotesque et l’humain. Frering est le Brueghel de Sarajevo.

John Berger

Il y a peu de moments où nous vivons vraiment au présent, généralement nous y sommes projetés par des événements heureux ou malheureux, et pour une courte durée. Pendant la guerre, c’est un présent qui dure, amputé d’avenir et éloigné de son passé. Et ce présent rend fou.
À Sarajevo, on peut encore aujourd’hui voir un graffiti qui a été conservé (pourquoi ?) : OVJDE NIKO NIJE NORMALAN / ICI PERSONNE N’EST NORMAL.
L’Ombre des montagnes ou le siège de Sarajevo de l’intérieur.

Frering ou le bois mitraillé […] Ce livre manquait, et sa lecture, à la fois lente et fulgurante, fait reculer l’accablement.

La peur, les rêves, les prémonitions, les chants, la difficulté d’évaluer le degré de danger et de sécurité, ceux qui gardent la foi en la beauté, voilà ce qu’illustre chaque séquence avec une force que les images ont perdue.

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Marie Frering Marie Frering

Marie Frering

Marie Frering  est née en 1960. Elle vit à Strasbourg. Son parcours est plutôt celui d’une audodidacte. Comédienne au théâtre puis metteur en scène, réalisatri...

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Les rêves de ce livre me traversent sans arrêt.

« La guerre n’est pas finie lorsqu’elle est finie. » Marie Frering ne veut rien démontrer : elle montre. Non pas pour exposer mais pour poser les choses. Telles qu’elles sont. Avec gravité et sans, pour autant, omettre le côté grotesque et grinçant qui peut apparaître dès que l’on retourne le tragique.

Jacques Josse remue.net

Un vrai coup de cœur pour ce roman court — à mi-chemin du recueil de nouvelles —mais d’une force peu commune. On en sort à moitié assommé, à moitié rêveur, saoulé d’avoir frôlé de l’âme la fièvre sous l’éclat froid du métal. […] Je suis restée figée par l’intensité de l’écriture, qui garde un écho certain. Une magnifique découverte.

L’Ombre des montagnes est une somme de textes dont la structure, la dé-structure montre la vigueur avec laquelle Marie Frering s’arrime au chaos immédiat […] Ce n’est pas un témoignage. C’est un poème baroque, troublant, violent, qui sublime une force de vivre tenace et souvent muette, faite de rêves, de cauchemars, de vertiges et de courages mêlés.

La puissance évocatrice de ce témoignage est due essentiellement à la force de l’écriture. La richesse du vocabulaire, l’acuité du regard donnent naissance à des descriptions vigoureuses, colorées et poétiques. L’angoisse de ces temps troublés transparaît, entrecoupée de visions plus paisibles telles : un verge au soleil ou les retrouvailles d’un chien avec son maître. Ce récit se lit à petites doses, comme un poème surréaliste, mais il ne peut laisser le lecteur indifférent.

E. Lobry Les Notes bibliographiques, 23 février 2010

Sarajevo, années 1990. La narratrice, une Française présente sur les lieux, raconte ce qu’il reste de la vie dans ce chaos, les hommes, les gestes, les besoins primaires (survivre, manger, dormir, aimer) bousculés par la violence, l’incertitude du quotidien. Dans ce court livre formé de récits rapides, comme arrachés au néant, règne un présent oppressant qui obsède et terrorise : avec quels vêtements dormir si c’est pour se lever en pleine nuit lors d’une alerte à la bombe ? Comment ravir à ce temps de terreur interminable quelques moments de douceur et de plaisir ? Comment vivre la guerre, la travailler au corps, s’approprier des instants ? L’écriture directe et syncopée relate des scènes de tous les jours à travers le regard aiguisé de la narratrice. C’est là que surgissent figures et paysages ravagés. C’est là que surgissent l’espoir et parfois d’invraisemblables amitiés. Pour ceux qui aiment la justesse, la vérité, celle qui dénonce la folie des hommes. Pour les amateurs de John Berger aussi.

Pierra Dupuy, Librairie Lucioles, Vienne Page des libraires n°136, mars 2010

On ne lit pas l’Ombre des montagnes pour le sang. On pense à la première épigraphe (guerre… foule de détails et seulement deux événements) qui annonce ce qu’on aura. Prenons cette femme qui, dans une ville sans électricité, continue à espérer que les bières de son frigo soient fraîches (« Difficile de changer les habitudes. Elle continue à enfoncer les boutons des interrupteurs, et à chercher les bières au frigo. »). Voilà ce qu’on a. On aura tous un jour actionné un interrupteur dont on sait qu’il ne fonctionne plus, mais que voulez-vous…. Les habitudes… Dans l’Ombre des montagnes, c’est là qu’intervient le blanc qui sépare de la scène suivante. Ce blanc, ce moment d’arrêt, n’est qu’un stop à la lecture qui permet de se lancer dans une autre opération, essentielle : se rappeler où nous sommes, ce rappeler que nous sommes à Sarajevo. Ce blanc, cette guerre, donne une toute autre lumière à ce qui n’aurait pu être qu’une anecdote. Pour apprécier l’Ombre des montagnes à sa juste valeur, il faut donc résister à la tentation de le dévorer : la qualité de l’écriture risque de vous donner envie de bouffer des pages, mais il faut s’arrêter et laisser tout doucement se fixer en vous les implications exactes de ce que l’on vient de lire. L’Ombre des montagnes, c’est le non-dit de l’écrit.

François Monti Fric Frac Club, 15 mars 2010