Je suis l’humble orphelin selon l’ordre des choses. L’ordre des chiffres. 1 + 1 = 0.
Faut-il s’en prendre aux soustractions ? Absurde. Ferme ton clapet. Avance. Marche dans la nuit de ta petite poésie ventriloque. Digère ton encre noire. Nu comme le premier homme. Le premier fils. Craché comme un noyau de cerise du cul des jardins de l’Éden.
Pupille de la Nation, je veux. J’en appelle à la loi du 27 juillet 1917. Le roi a dit je veux et on lui a coupé la tête. M’en fous la tête. Je veux. Je veux que le ministre de l’Instruction Publique prenne en considération le préjudice dont je fais l’objet. Non, dit le ministre. Tu n’entres pas dans les cases.
Mais j’entre dans les cases, moi ! Faites-moi une place dans les cases ! Cochez-moi ! J’ai froid. La Nation me doit un geste de salut public. De secours populaire. J’ai nourri de mes fèces la terre de mon pays. J’ai lu La Légende des siècles. J’ai payé mes impôts. J’ai voté. J’ai suivi des débats politiques à la télévision. J’ai fait des dictées avec zéro faute. J’ai bu tout le vin de mon pays. J’ai été exemplaire. Et les miens sont morts quand même. Oui, mais pas à la guerre dit le ministre.
J’emmerde le ministre. Les miens sont morts à la guerre de la vie. Ni faite ni à faire. Ils ont été tués à l’ennemi. Et ils m’ont laissé bête. Ignorant. J’ai droit à un second tour d’école gratuite. A une bourse de lumières.Tu croyais quoi au juste ? Que les pierres chantent ? Que l’âme des morts flotte le soir au-dessus des hortensias ?
Je veux retourner à l’école. Je n’ai rien compris. Je suis jeune. Encore très jeune. D’une immaturité inconsolable. Est-ce qu’on est jeune, quand on est immortel ? Je suis passablement immortel. Tous les vivants sont immortels pour la dernière fois.