L’Engendrement

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Lionel Bourg

L’Engendrement

Lionel Bourg montre qu’on peut écrire un récit autobiographique, explorant des sensations intimes, sans pour cela tomber dans le nombrilisme. L’Engendrement est aussi aux antipodes des petites romances nostalgiques à la Philippe Delerm […] Sa brièveté — à peine une centaine de pages — est inversement proportionnelle à la richesse de sa texture, aux possibilités d’évocation qu’ouvrent ses phrases souvent sinueuses comme les chemins de la mémoire, et à l’émotion qu’il déploie, d’une qualité remarquable.

Christophe Kantcheff Politis, 18 janvier 2007

Il faut du temps pour naître.
C’est que l’on ne vient pas plus facilement à la réalité du monde qu’à son imaginaire.
Que tout brûle, tout égare et qu’un vieil enfant assiste désormais, désemparé, au naufrage de celle qui, pleurant, braillant des insanités, chantant à tue-tête ou psalmodiant des phrases folles arrachées à ses songes comme à quelques grands livres, ne lui donna pas que l’incertaine clarté du jour.

Lionel Bourg réinvente le genre autobiographique à partir de ses impasses.

Dans une langue qui palpite, condense et exalte tout à la fois, Lionel Bourg poursuit, avec L’Engendrement, sa quête autobiographique.

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Lionel Bourg Lionel Bourg

Lionel Bourg

Lionel Bourg est né le 27 juin 1949 dans la Loire. Il réside à Saint-Etienne. Auteur de nombreux ouvrages (essais, récits, poèmes, journaux et carnets), il a reçu le P...

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Naître à soi… Entrer dans la polyphonie sociale.

Romain Verger rverger.com

Poème narratif ? Texte inclassable… Et superbe.

Bernard Bretonnière Babelio

Inlassablement, Lionel Bourg poursuit sa quête autobiographique.

Jacques Josse remue.net

Sans nombrilisme aucun, un livre hommage franc et objectif.

Le livre de Lionel Bourg ignore les deux travers de l’autobiographie : le parti du pittoresque, qui dans la reconstruction d’une époque, s’adresse surtout aux nostalgiques ; celui de l’exhibition complaisante, tournée vers les voyeurs (tel est donc ce gros Moi que je vous offre sous toutes ses coutures). Qui que l’on soit, on est enfant de. De qui vous a mis au monde peut-être, mais bien plus de qui vous a fait grandir et a posé les piles premières de l’histoire qui est devenue vôtre. L’Engendrement n’est pas uniquement, loin s’en faut, celui de la chair ; chacun sait bien. Les gnons, les gueuleries, les tendresses naïves et profondes, les incompréhensions, les gestes et valeurs (bien flottantes), les lieux (bords de Loire, jardins ouvriers, promenades des dimanches, intérieur convenu des années 50 et 60), les sons, les paroles : cela fait la première charpente, sur quoi l’on s’appuie et sélève. Lionel Bourg n’est pas de ceux qui renient (Voyez ce que je suis devenu ! Qui l’aurait cru ?) ou jouent de la dénégation. La force et l’intérêt de son livre est dans ce qu’à son tour il accompagne avec tendresse, inquiétude, désarroi, mais avec surtout un certain fatalisme, ce qui l’a accompagné. Le frère mort enfant dont on se sent parfois l’incomplet remplaçant ; l’apparente indifférence du père dont on garde dans les oreilles le mutisme et les colères ; mais surtout cette mère de chair et de mots qui braille des ordures, ou chante des comptines et récite des vers tout autant qu’elle assomme d’un coup de son jugement à l’emporte-pièce Flaubert ou Zola. Une mère lectrice de hasard et d’occasion, qui se fait à l’heure du bilan corps porteur de parole, et même corps poétique. Cette mère qui s’éteint dans un mélange d’obcénité et de poésie, de grossièreté et de sensibilité véritablement subtile, dont les doigts savaient si sûrement mettre en bouquets les fleurs. «Nous, nous aussi nous savions célébrer la beauté.» Quelle phrase, mieux que celle-ci, saurait reconnaître et porter la dette d’un engendrement ?

Emmanuel Malherbet Chemin des livres n°13 (Alidades éd.), mai 2007

Le sujet de ce livre, c’est l’éducation littéraire d’un jeune garçon d’un milieu d’origine plutôt modeste, prolétaire, par une mère qu’on ne peut pas caractériser d’intellectuelle mais qui se gave de romans d’écrivains comme Steinbeck, Dostoïevski, Faulkner et qui lui transmet les livres en lui disant : « Tiens, lis ça, ça te plaira à toi. » Donc dans un univers gris, d’un milieu où l’on travaille dur, à l’usine, etc., ce garçon va devenir un grand lecteur, un passionné de littérature. Mais ce qui est très fort en fait, c’est toute la relation entre la mère et l’enfant, qui les fait régulièrement se bagarrer et avoir de sérieuses discussions, et en même temps un grand amour réciproque. L’écriture de Lionel Bourg est très forte et très belle. Et c’est surtout ça qui me porte vers ce livre.

Gérard Lambert Les Livres ont la parole, RTL, 18 mars 2007

Ce qui disparaît avec nous
Encore un bon livre de Lionel Bourg… En quelque sorte toujours le même, et c’est un autre compliment. Un peu plus intime peut-être, un peu plus douloureux. L’Engendrement continue à creuser le sillon autobiographique que l’écrivain de Saint-Étienne travaille assidûment depuis quelques livres. Montagne noire (Prix Rhône-Alpes du livre 2005), L’Ombre lente du temps, autant de récits qui, par fragments, par retours, par vagues, mettent en scène l’enfance, l’adolescence, les années de jeunesse d’un garçon traversé à la fois par les doutes et par les peurs, autant que par les révoltes et les emportements passionnés.[…]
Il y a ce frère perdu, fantôme familier qui hante les nuits et les pages, il y a le père, cette silhouette bourrue et mal comprise qui traverse les jours en bougonnant et en distribuant quelques paires de claques, et puis il y a la mère. Surtout la mère. Sur ce point, L’Engendrement est un récit que les lecteurs de Lionel Bourg attendaient. Dédié à sa mère justement, il va plus loin sur ce fantasque personnage, en écrit plus, à défaut, peut-être, de pouvoir en dire davantage. Exubérante, brisée par la perte d’un enfant, légère, lectrice ou tout au moins grande raconteuse d’histoires. C’est avec elle que l’enfant apprendra à espérer d’autres espaces et d’autres temps, avec elle et contre elle, et c’est elle encore qu’il accompagnera jusqu’aux prémices de la disparition. «Il faut peser ce que l’on porte. Le remords. Les regrets. Les joies exubérantes comme les remuements d’ombre qui parfois nous gouvernent.» C’est de ce poids, ce poids qui est le nôtre, que naît L’Engendrement. Lionel Bourg le porte magnifiquement, à bout de mots et de phrases.

Laurent Bonzon Livre et lire, mensuel du livre en Rhône-Alpes, n° 222, mars 2007

Des « je me souviens du fils », au début du texte, qui évoquent une possible nostalgie d’enfance, le tour de France, des chansons et des saisons, au « j’me souviens » de la mère, en fin de livre, réduit à sa plus simple forme par la perte et la maladie, le récit ne nous livre pas seulement un texte d’enfance.
C’est toute une vie qui se déroule dans ces réminiscences ponctuées de voix en général pas tendres, les voix des adultes, brèves, brutales, mots écorchés. Le personnage de la mère, sublime et abjecte, celle, pourtant sans écoles, qui transmet le goût des livres, qui juge Zola et Steinbeck, est l’un des plus attachants de ces êtres qu’on croise, qui lâchent une phrase ou deux et disparaissent. Le souvenir prend la forme d’évocation, celle des rares joies d’évasions, des désirs d’ailleurs, de l’impossible poésie de Saint-Étienne, de la vie qu’on y vivait entre hivers et beaux jours, usine et landes.
A travers ce récit poétique, fragmenté et fragmentaire est posée la question de ce qu’on se transmet. L’engendrement, ce n’est pas seulement l’acte qui donne la vie, mais c’est tout le processus qui suit et qui donne autant de mort que de vie. Ce qu’on se transmet, ce qui engendre, ce sont des voix, des morts, des liens étranges. Et c’est un très beau texte, grave et tendre, à mille lieues de la mièvrerie des enfances heureuses et des pays faciles.

Anne-Marie Mercier-Faivre sitartmag.com, mars 2007

Ces pages de solitude sont magnifiques, violemment séquencées et font de ce récit un texte rude d’une pudeur teigneuse
Ce qui ressort d’abord de la lecture du nouveau récit de Lionel Bourg, c’est cette poésie boueuse, particulière au climat forézien, d’où surgit un gamin d’une dizaine d’années à peine. Un gamin tout en souffrances étouffées et d’une timidité tellement « arrogante » qu’elle forçait à son encontre l’agressivité des adultes. Ce gamin au regard gris, c’est bien entendu l’auteur lui-même, qui nous livre ici un récit d’enfance très différent des je-me-souviens de circonstance qui envahissent les rayons “témoignages” de nos librairies et ne témoignent de rien. Entre un père peu porté à l’amour et une mère qui aime aussi démesurément qu’elle “juronne”, le jeune Lionel « rôde l’âme en berne », s’ennuie en cours, fréquente sans joie les café du Commerce et autres Continental où grouille un peuple en bleu de travail, ou bien encore s’enfonce dans le brouillard du plateau d’Essalois et part se perdre dans un marécage de lande comme dans une vague idée de l’avenir. Ces pages de solitude sont magnifiques, violemment séquencées et font de ce récit un texte rude d’une pudeur teigneuse. On sent que Lionel Bourg, presque 50 années plus tard, est encore tout chargé de son enfance et l’assume sans tricher : « Il faut savoir peser ce que l’on porte.» Apparaît cependant, au milieu de la grisaille, une lueur inespérée. La mère, cette gueularde célinienne qui a quitté l’école à 12 ans et se gave de romans sentimentaux, s’enfile avec le même bonheur Steinbeck, Dostoïevski et Faulkner et transmet au gamin le goût de la littérature d’un simple : «Tiens, lis ça, ça te plaira à toi…» L’engendrement a eu lieu. Il s’est fait, et c’est très bien ainsi, sans cérémonie, très certainement un jour de ciel gris comme un autre. Comme le texte avance, l’émotion grandit imperceptiblement et peut-être au moment d’achever votre lecture vous retrouverez-vous comme moi la larme à l’œil, bouleversé par cette prose terriblement poétique — il faut le répéter. Une poésie sans soleil, soit, mais on fait de très belles rivières avec de l’eau de pluie

François Reynaud Librairie Lucioles, Vienne

Fort, très fort. D’un réalisme bouleversant, à en être surréaliste. Le temps qui passe, qui forge. La mort qui plane, rôde sans cesse. Toute une vie, toute la vie. Où le sordide cherche désespérément la lumière. Où la souffrance berce les rêves les plus doux. Où le quotidien sombre s’évade à travers des noms magiques, dans l’imaginaire, vers la littérature, vers l’ailleurs. Avec cette force, cette énergie dans ce chaos de percevoir aveuglément la beauté. Existentiel. C’est le cri strident du révolté devant le néant. Déchirant cri d’amour aussi, seul véritable échange entre les êtres, seule richesse humaine. Le style en coups de poing nous assène, comme ceux que l’enfant reçoit face à cette existence. Tels des coups de pinceaux aux couleurs noires, obscures, froides, criardes, ou passées aussi, et parfois vives, claires, chaudes ou tendres, jetés ainsi ça et là sur une toile. La toile de la vie qui nous piège avec ses violences, ses peurs, ses pleurs. Mais qui sait réserver également à ceux qui savent s’en échapper, s’en donner le temps, ses moments de quiétude, de plénitude.
Et dans ce pays minier, de pauvreté, cette femme, cette mère passe à son fils le plus bel de cet héritage. Transmission des mots, transmission d’émotions. Toute sa violence, toute sa passion. Au seuil de la mort, l’amour seul ainsi engendré compte.
Véritable chant. Poème en prose.

Carmela di Martine Vendémiaire n° 23, février 2007