Visites de nuit

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Ron Butlin

Visites de nuit

Butlin excelle à créer, à travers les prismes déformants que sont les esprits accidentés de ses personnages, un huis clos malsain où le sentiment de malaise apparaît dès les premières lignes puis, par petites touches, gagne en prégnance, et enfle jusqu’à exploser enfin dans le fracas d’un poing brisant un miroir.

François Reynaud Page des libraires, mars 2005

A la mort de son père, Malcolm glisse dans un monde d’illusions dans lequel ni peine ni amour n’ont de réalité. Sa tante préférée, chez qui il est amené à vivre avec sa mère, s’occupe d’un hospice. Elle est depuis longtemps prisonnière de ses propres rituels liés au deuil et qui confinent au fanatisme et à la terreur. Dans cette maison, qui n’est pour Malcolm qu’un immense NON, tous deux se retrouvent à vivre l’enfer d’une relation pervertie où douleur et désir sont entremêlés.
Le Son de ma voix (Prix Millepages 2004 du meilleur roman étranger, Prix Lucioles 2005) fouillait l’obscur où peu osent se rendre. Visites de nuit va au plus profond du tourment en dressant le portrait d’un préadolescent en quête de lumière, d’absolu. Un roman envoûtant, subtilement conçu par un maître du côté sombre de l’âme humaine.

L’écrivain écossais Ron Butlin a l’art de se tenir au plus près du détail où se noue l’intense de l’émotion ou de la souffrance.

En quatre séquences Soir, Obscurité, Nuit, Matin , l’auteur décline une relation infernale et pervertie entre Malcolm et «tante Fiona». Douleur et désir s’y livrent un bras de fer où la face sombre de l’âme humaine est mise en scène de plume de maître.

Patrice Palau Le Dauphiné Libéré, 18 avril 2005
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Ron Butlin

Grâce en particulier à Irvine Welsh, très actif dans la défense et la mise en avant de son roman Le Son de ma voix, son œuvre est a...

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Descente au pays de l’étrange, dans l’âme endeuillée de Malcolm, un tout jeune adolescent. Le père vient de mourir. Il est recueilli par une tante, trop triste pour ne pas être mégère. Elle travaille dans un hospice, épie les corps décatis, renifle la mort à chaque porte. Comment grandir, croire en soi dans un tel lieu, avec de tels gens ? Ron Butlin joue sur la lenteur et la fulgurance, enroule son récit sur des dialogues âpres. Le mal de vivre de Malcolm, sa naïveté, ses folles espérances éclatent dans une lumière dérangeante. Prix Millepages pour son précédent livre (Le Son de ma voix, 2004), l’écrivain écossais installe une voix singulière.

Martine Laval Télérama, 9-15 juilllet 2005

On n’était pas près d’oublier le nom de Ron Butlin, discret poète et romancier écossais quinquagénaire, tiré de l’anonymat par son compatriote Irvine Welsh, admirateur tapageur et artisan de la rééditionde son époustouflant premier roman, Le Son de ma voix, publié en France en 2004. Quidam Editeur, la petite maison de Meudon, poursuit son travail d’extraction avec Visites de nuit. […] Privée de l’effet de surprise, la violence du coup est atténuée, mais la profondeur des ténèbres redoublée. Enfant du hit-parade et des jeux de guerre, le petit Malcolm voit son père succomber au cancer, mort qui tient tout entière dans le «crac» qui résonne dans la chambre du malade quand sa tête cogne contre la atble de chevet. Dès lors, le quotidien du petit garçon devient fuite, stratégie de repli, tentative de mise à distance. Après l’enterrement, Malcolm et sa mère, Margaret, s’en vont à Edimbourg, chez la très pieuse tante Fiona, qui règne sur l’ancienne maison familiale transformée en hospice-mouroir, dans un fanatisme ritualisé au millimètre, soumis à ses terreurs — celle de Dieu, celle du passé — qui s’entremêlent dans son esprit en perdition. Là, naît entre l’enfant et sa tante une relation pervertie où douleur et désir flirtent dangereusement.
Alternant les points de vue, Butlin tresse ces deux nuits intérieures avec une simplicité brutale. Celle de Malcolm, dans une exhortation frontale à survivre, écrite au «tu». Celle de Fiona, agitée de sentiments contraires, où s’affrontent jusqu’au délire démentiel compassion et ressentiment, revendication et expiation. Dans l’atmosphère froide et suffocante de l’hospice, au contact des cadavres, Ron Butlin entraîne son lecteur au bout de cette nuit des morts vivants hallucinée et sombre comme les monstres de notre subconscient viennent nous tirer du réel. Sa puissance évocatrice, sa faculté de pénétrer l’âme humaine et l’intimité qu’il entretient avec la douleur inquiètent autant qu’elles nourrissent sa force d’écrivain.

Judith Steiner Les Inrockuptibles, 4-10 mai 2005

En janvier 2004 paraissait le roman d’un obscur écrivain écossais intitulé Le Son de ma voix. Une préface d’Irvine Welsh à faire rougir et la curiosité de certains libraires stupéfaits par ce qu’ils venaient de lire allaient donner quelque écho à cet ouvrage de Ron Butlin. Un an plus tard paraît Visites de nuit, nouvelle exploration par l’auteur de l’âme humaine dans ce qu’elle a de plus sombre.
Malcolm est un petit garçon d’une dizaine d’années quand meurt son père. De ce jour, de ce choc, il se réfugie, comme pour se protéger d’une réalité trop douloureuse, dans un coin de son esprit où il pourra désormais tenir le monde à distance, le réinterpréter même s’il le faut, de manière à en désamorcer tout événement contrariant ou violent auquel il aurait à faire face à nouveau.
Sa mère et lui partent bientôt à Edimbourg où vit Fiona, la tante de Malcolm qui réside dans la grande maison familiale transformée en hospice. Femme seule, plongée dans un mysticisme religieux terrifiant, elle est hantée par le souvenir d’une mère cruelle décédée une dizaine d’années auparavant. Embarrassée de pulsions concupiscentes refoulées et entretenant avec la mort un rapport pervers, l’arrivée de Malcolm, enfant fragile désormais sous sa protection charitable, mais aussi petit corps chaud en manque d’amour, marque le début d’une période de très grand trouble pour ces deux êtres que l’auteur ne juge ni n’accable à aucun moment.
Visites de nuit est un roman tout simplement remarquable. Butlin excelle à nouveau à créer, à travers les prismes déformants que sont les esprits accidentés de ses personnages, un huis clos malsain où le sentiment de malaise apparaît dès les premières lignes puis, par petites touches, gagne en prégnance, et enfle jusqu’à exploser enfin dans le fracas d’un poing brisant un miroir.

François Reynaud Page des libraires, mars 2005

On attendait de pied ferme Visites de nuit, nouveau roman de Ron Butlin. Le talent de l’auteur ne se dément pas. La première page happe immédiatement. Un homme qui se meurt dans son lit. Clin d’œil ou rémanence culturelle, la scène n’est pas sans évoquer celle d’ouverture de Citizen Kane.
Visites de nuit, c’est l’histoire de deux deuils, de deux êtres qui tentent de tenir à distance la douleur. Il y a Malcolm, petit homme de presque dix ans et Tante Fiona, la sœur de sa mère. Le premier vient de perdre son père, un presque héros à ses yeux, que la maladie avait transformé en étranger lui volant jusqu’à son odeur. La seconde a perdu sa mère - femme perverse qui a tout fait pour gagner la haine de ses filles - des années plus tôt et a depuis transformé la demeure familiale, sinon en hospice, du moins en mouroir. Avec sa mère, Malcolm part habiter à Edimbourg chez Tante Fiona, autoproclamée sa tante préférée. Malcolm devient la force vive de cette maison où les résidents ont déjà gagné le statut de fantômes, reclus derrière la porte de leur chambre, leurs souvenirs ou leurs absences. Des présences que Malcolm ne doit pas déranger : la vie pourrait agacer la presque mort.
Ron Butlin, au travers d’une construction savamment maîtrisée, alterne le récit de Malcolm et celui qui nous plonge dans l’univers de Tante Fiona. […] Humaniste singulier, il traque la poésie des êtres dans leur noirceur. Là où elle est encore pure. L’écrivain ne verse pas dans l’exercice facile et souvent égoïste de la compassion mais nous entraîne dans le chemin de la compréhension. Visites de nuit, c’est simplement la preuve de la grâce littéraire.

Delphine Heitz Sofa