Affleurer, par l’écriture, à d’autres manières de voir, de sentir, de vivre, c’est la tentative même de ce roman. En voyage de Venise en Orient à bord d’un navire fatigué d’être, un jeune homme part retrouver un géniteur qu’il n’a jamais connu. L’époque : le Moyen Âge tardif et des croisades hors d’haleine. « Toute ressemblance avec notre temps est à imputer à la nature des hommes », nous dit son auteur.
Une langue atmosphérique riche et gonflée d’aspérités qui racle et déborde, danse avec les mots, le rythme, les codes et les références, sait vous attendrir de toute sa poésie dans le même élan, qui vous attrape sans vous lâcher, somptueuse et subtile, folle d’inventivité. Rayas Richa arpente la littérature et ses contours qu’il se plaît à tordre avec la plume ciselée de lyrisme d’un alchimiste-conteur- d’histoires ivre d’une liberté des plus envoûtantes, des plus désarçonnantes. Un brasier de mélancolie fiévreuse qui tourne dans la caboche la dernière page refermée. On s’en délecte et l’on s’y noie avec un plaisir intense!
Il ne m’a fallu que quelques pages pour être captée par une écriture remarquable, empreinte d’une poésie ludique, à la fois virevoltante et profonde. Expressions inattendues, mélange des genres, jaillissement stylistique, images décalées… Les surprises se savourent à chaque ligne, comme ce dialogue impromptu en alexandrins. Le voyage est effectivement dans les mots, la langue, cette forme joyeusement joueuse mais jamais vaine. Car de ces transports – maritime, poétique, sensoriel, amoureux – émerge une réflexion métaphorique sur un voyage que nous faisons tous, celui de la vie.